Charles GIDE, premier penseur de la République Coopérative –

Charles Gide : Le projet d’une « République coopérative » et un « Programme Coopératif »5

Lors du discours d’ouverture du premier congrès international des coopératives de consommation qui se tient à Paris, en 1896, Charles Gide dévoile le véritable but de la coopération que s’est fixé la « petite école de Nîmes » : « modifier pacifiquement, mais radicalement le régime économique actuel, en faisant passer la possession des instruments de production, et avec elle la suprématie économique, des mains des producteurs qui les détiennent aujourd’hui entre les mains des consommateurs. Et comme moyens pratiques d’organisation : une fédération groupant le plus grand nombre possible de sociétés, l’accumulation des bonis pour constituer un fonds de réserve collectif, la création de magasins de gros fabriquant autant que possible tout ce qu’ils vendent. D’ailleurs ces moyens ne sont autres que ceux déjà employés en Angleterre et plus ou moins bien imités dans d’autres pays ». Du même coup, il proclame le projet d’avènement de la République coopérative par un « plan de campagne » en trois étapes qui vise à conquérir d’abord l’industrie commerciale, puis l’industrie manufacturière et enfin l’industrie agricole.

(…) ce n’est pas en restant isolées, incohérentes, et intérieurement en état anarchique, que nos petites associations coopératives pourront suffire à ce grand oeuvre de défense sociale et lutter efficacement contre les grandes associations capitalistes. Il faut faire un plan de campagne : ou plutôt il n’y a pas à le faire, il est tout indiqué.

Se réunir entre elles, faire masse, prélever sur leurs bénéfices le plus possible pour fonder de grands magasins de gros et opérer les achats sur grande échelle – voilà la première étape.

Continuer à constituer, par des prélèvements sur les bénéfices, des capitaux considérables et avec ces capitaux se mettre à l’oeuvre pour produire directement et pour leur propre compte tout ce qui est nécessaire à leurs besoins, en créant boulangeries, meuneries, manufactures de draps et de vêtements confectionnés, fabriques de chaussures, de chapeaux, de savon, de biscuits, de papier – voilà la seconde étape.

Enfin, dans un avenir plus ou moins éloigné, acquérir des domaines et des fermes et produire directement sur leurs terres le blé, le vin, l’huile, la viande, le lait, le beurre, les volailles, les oeufs, les légumes, les fruits, les fleurs, qui constituent la base de toute consommation, – voilà la dernière étape7 ».

Au sein du congrès, c’est l’enthousiasme qui l’emporte. Tous, Français et étrangers, ne peuvent que marquer leur accord avec l’affirmation du caractère social du mouvement coopératif de consommation. « A compter du congrès de Paris, on peut dire sans abuser des mots que le mouvement coopératif a une doctrine sociale, un ensemble de règles théoriques ui lui donnent pour discipline et pour ciment cette force de conviction démocratique etd’action morale dont est fait son succès auprès des masses populaire 8 ».

5 – Extraits de Les oeuvres de Charles Gide, volume IV, Coopération et économie sociale, 1886-1904. Présenté et annoté par Patrice DEVILLERS, l’Harmattan, 2001 , 381 p

6 – Discours d’ouverture du Congrès international des Sociétés coopératives de consommation tenu à Paris, au Palais du Trocadéro, le 8 septembre 1889, pendant l’Exposition universelle. Publié dans le compte rendu officiel du Congrès, sous le titre : De la coopération et des transformations qu’elle est appelée à réaliser dans l’ordre économique. L’Angleterre était représentée par MM Vainsittart-Neale et Holyoake ; l’Italie, par MM Ugo Rabbeno, Wollemborg et Nonti ; la Suisse, par MM Wuarin et Racine ; la Belgique, par M le Professeur Denis, le Dr César de Paepe, les représentants de presque toutes les sociétés de consommation socialistes de Belgique, Delwarte, délégué des Chevaliers de Travail, Vandervelde, Demblon ; le Brésil, par / Santa Anna Néry, délégué officiel de son gouvernement.

7- Les oeuvres de Charles Gide, volume IV, pp. 135-136.

8 – J. Gaumont, Histoire générale de la coopération en France, Tome 2, p. 152, édition FNCC, 1924. Cité par Patrice Devillers, op Cité, p. 135.

viaUniversité cooperative européenne en réseau – Texte de, et sur Charles GIDE.